mercredi, janvier 15, 2014

Hollande, la loi de Say et les charges sociales

En affirmant que "l'offre crée la demande", une formule que Keynes a utilisée pour résumer et critiquer Jean-Baptiste Say, François Hollande a voulu marquer les esprits. C'est, de ce point de vue, réussi. Est-ce pour autant de bonne politique? A voir : si Keynes a critiqué Say, c'est qu'il lui reprochait de négliger le rôle de la monnaie que les agents (les producteurs) peuvent vouloir conserver pour différents motifs (spéculation, précaution…) et ne pas réinjecter dans le circuit économique. La critique est toujours pertinente. Seuls, de fait, aujourd'hui, les libéraux se réclament de cette "loi" (Thomas Sowell…) qui a opposé, en son temps, un Say optimiste (il n'y a pas de limite à la croissance économique) à tous ceux qui craignaient qu'un pays puisse se retrouver en situation de surabondance générale.

En pratique, cette politique de l'offre va passer par la réduction des charges sociales des entreprises, par le transfert des cotisations familiales vers l'Etat. Il y a de bonnes raisons de procéder à ce transfert : il n'y a pas de motif que la politique familiale soit financée par le travail.  Les charges des entreprises vont donc diminuer. Vieille revendication du MEDEF qui devrait se réjouir mais ne le fera pas forcément et pour un excellent motif : ce transfert ne va alléger que marginalement les coûts des entreprises. Ce sera significatif pour les grandes entreprises qui emploient beaucoup de personnel. Ce sera insignifiant pour les plus petites. Il est donc possible que cela n'ait pas tout l'effet souhaité sur l'emploi. Les grandes entreprises n'ont, souvent, plus besoin de créer des emplois en France : c'est à l'étranger, auprès de leurs nouveaux marchés qu'elles ouvrent des usines. Les plus petites ne trouveront pas dans cette baisse des charges de quoi financer de nouveaux emplois. Pour qu'il en ait été autrement, il aurait fallu, comme le demandait d'ailleurs le MEDEF, transférer également vers l'Etat le financement de l'assurance maladie. Mais cela, l'Etat n'en a pas les moyens.

On me dira que le gouvernement veut obtenir des contreparties, qu'il y aura un pacte. Soit, mais le MEDEF peut promettre de créer autant d'emplois qu'il voudra ce n'est pas lui qui embauche, mais les entreprises qui prennent leurs décisions sans se soucier de ses recommandations. Les seules contreparties qu'il puisse y avoir porteront sur ce qui ne coûte rien aux entreprises et peut faire l'objet d'une loi : le dialogue social, le contrat de travail (amélioration des stages, des CDD), la lutte contre la précarité. Ce n'est pas rien, mais ce n'est pas l'objectif annoncé.

samedi, janvier 11, 2014

Ce qe nous disent les amours de François Hollande

La  révélation de la liaison de François Hollande et Julie Gayet laisse muets la plupart des commentateurs qui n'osent se prononcer, se contentant de vagues considérations sur le droit d'information et celui à la vie privée. Cette révélation nous dit cependant pas mal de choses sur Hollande, sa vitalité (on pensait que ses voyages répétés aux quatre coins du monde l'épuisaient, et bien non, il a encore assez d'énergie pour écourter ses nuits), son goût de la liberté qui lui fait prendre des risques personnels (il n'hésite pas à échapper à ses services de sécurité) et un risque politique et sa disponibilité (son emploi du temps, quoique très chargé, ne l'emprisonne pas complètement). Elle nous en dit aussi beaucoup sur notre machisme subliminal : nul ne parait choqué de ses escapades extra-conjugales. Serait-on aussi complaisant avec une femme? Et nul ne s'est, à ma connaissance, interrogé sur les qualités de Julie Gayet. En irait-il de même avec le jeune amant d'une Présidente? Je n'en suis pas certain.

Il y a dans cette affaire une victime :Valérie Trierweiler. Sans doute va-t-elle devoir abandonner ses fonctions de première dame. Il faudrait qu'elle le fasse avec dignité et élégance. En aura-t-elle la force et le courage? on la jugera cependant là-dessus, ce qui est certainement injuste. 
On a beaucoup comparé ces derniers jours Dieudonné et Desproges. Il est vrai que celui-ci n'hésitait pas à parler des juifs et de l'antisémitisme, comme ici (pardon pour la publicité) :

Dieudonné et Desproges, ce n'est pas la même chose

On a beaucoup comparé ces derniers jours Dieudonné et Desproges. Il est vrai que celui-ci n'hésitait pas à parler des juifs et de l'antisémitisme mais difficile de confondre :

jeudi, décembre 19, 2013

La culture de François Mitterrand

En 1975, Bernard Pivot invitait François Mitterrand pour parler des livres qu'il aimait. C'est tout simplement stupéfiant de culture, de finesse, d'intelligence. On peut trouver cette émission ici. Je doute qu'aucun de nos politiques actuels lui arrive à la cheville. Affaire de génération? de formation? de personnalité? de carrière? Je ne sais, mais il faut voir cette émission.

dimanche, décembre 08, 2013

Philosophie et musique

Est-ce une mode? mais on voit se développer une nouvelle forme de conférence qui associe interventions classiques de philosophes et pièces de musique contemporaine. Ce sera le cas ce lundi 9 décembre à Saint-Denis avec "Chaosmose, coordonnées mutantes : le paradigme esthétique", une conférence qui associe lecture de Guatari par des philosophes et psychanalystes et une oeuvre musicale de Pascale Criton. Quelque chose de comparable est annoncé en février prochain à Issy les Moulineaux qui associerait réflexions sur le temps et une oeuvre d'Eliane Radigue.

Les philosophes n'étant pas forcément mélomanes (c'est même souvent le contraire : pour ne prendre que cet exemple, Dominique Schnapper explique dans son récent livre de mémoires qu'elle n'a aucune sensibilité musicale), cette formule est 1) une bonne occasion de leur fait découvrir la musique qui se fait aujourd'hui et, 2) un rappel quasi spinoziste du rôle des affects dans la pensée.

vendredi, décembre 06, 2013

La fin de Mona lisait

La presse (enfin, quand je dis la presse, je veux dire France Culture) a parlé, ces derniers jours de la fin des librairies du réseau Chapitre.com. Pas un mot (au moins à ma connaissance) sur celle de Mona Lisait que j'ai découverte à l'occasion de promenades dans Paris. Il est vrai que ces librairies spécialisées dans le discount avaient un coté un peu trash (des boutiques qu'aucun décorateur n'avait aménagé, des escaliers branlants…). Et, cependant… leur disparition n'est pas moins choquante. Pas seulement pour les raisons le plus souvent invoquées (la mort du livre…) mais aussi parce qu'elles étaient les seules librairies à avoir un fonds solide sur l'avant-garde, notamment sur le lettrisme. Où ira-t-on demain acheter les livres de Lemaitre, Satié, Sabatier? 

lundi, décembre 02, 2013

Ils quittent le Front National… et mettent en évidence la faiblesse de ce parti

Combien sont-ils? Quatre, cinq? plus? La presse a d'ores et déjà cité les noms de quatre militants qui ont quitté le Front National déçus, choqués… Il y a Arnaud Cléré, ex-militant UMP, qui dénonce les tatouages de croix gammées et les propos homophobes, Benoit Girard et Nadia Portheault qui dénoncent les propos racistes, Anna Rosso-Roig qui déclare : "quand on voit Marine Le Pen à la télévision, on ne peut pas imaginer à quoi ressemble l'arrière-boutique". Sans doute ces militants effrayés sont-ils plus nombreux. Beaucoup doivent partir sur la pointe des pieds en silence sans le clamer haut et fort de crainte du ridicule.

Naïfs, ces déçus du FN? Certainement. Voire même un peu niais : tous les reportages réalisés au sein du FN l'ont montré, il y a des racistes, des antisémites et des homophobes au Front National. Le plus surprenant n'est pas qu'ils existent (où se retrouveraient-ils sinon dans un parti d'extrême-droite?), mais qu'ils affichent sans la moindre gêne leurs opinions alors que Marine Le Pen et ses proches tentent depuis plusieurs mois de "dédiaboliser" le Front National.

On peut, naturellement, accuser Marine Le Pen d'hypocrisie, lui reprocher de faire semblant de s'en prendre aux extrémistes, c'est de bonne guerre. Mais il est une autre explication : qu'elle en soit tout simplement incapable, que l'exclusion de ces militants néo-nazi, néo-fascistes… ne vide le parti de l'essentiel de ses forces. Que le FN ne soit sans eux qu'une coquille vide.

Lorsqu'on compare le FN aux mouvements d'extrême-droite d'avant-guerre, une chose frappe : sa faiblesse. Il n'a ni la puissance intellectuelle de l'Action Française qui avait su séduire le quartier latin, Proust, Gide, Bernanos… ni la puissance militante des ligues qui pouvaient réunir des dizaines de milliers de militants dans de grandes manifestations (les grandes manifestations contre le mariage pour tous n'ont pas été organisées par le FN par des mouvements liés à l'Eglise catholique, ce qui est différent). En témoigne, l'incapacité dans laquelle il se trouve de présenter des candidats à peu prés présentables partout.

Les seuls succès du FN ont été électoraux et toujours… minuscules : gain d'un canton ici, de quelques places dans un conseil municipal là. Les bonnes performances de Le Pen à l'élection présidentielle, celles de son parti aux élections européennes ont pu faire illusion, elles ne doivent pas cacher l'essentiel : ce parti reste faible et ne doit son influence qu'à la peur qu'il suscite chez ses concurrents, peur que dès ses débuts, en 1984, les journalistes politiques ont attisée donnant aux provocations de son leader une résonance sans commune mesure avec son poids réel dans l'opinion.










mardi, octobre 29, 2013

Confusion mentale

La situation politique de ces derniers mois a ceci de particulier qu'elle brouille les repères. Nous nageons en pleine confusion mentale. Un nombre croissant de personnes, à gauche mais aussi à droite, ne sait plus où se situer. Je déjeunais hier avec un ami, universitaire réputé dans son domaine, vieux communiste, plus compagnon de route que militant, mais très attaché à cette tradition. Nous parlons un peu de politique. Il me dit qu'il va voter Martine. Je ne saisis pas bien. Martine? quelle Martine? Aubry? Mais elle n'est candidate à rien qu'à la mairie de Lille et mon ami est parisien. Mais non, me dit-il, Marine (il ne dit pas Le Pen, comme s'il éprouvait encore, malgré tout, une certaine gêne).

Le fera-t-il? Probablement pas, mais qu'il puisse le suggérer et qu'il se propose d'argumenter dans ce sens témoigne d'une certaine confusion mentale dont la suite de notre conversation me donna un autre témoignage presque plus fort puisqu'échappant à toute éventuelle visée provocatrice. Nous parlons des impôts, de Hollande qui s'en prend, avec les taxes sur le PEL et l'assurance vie, au coeur de son électorat. Plutôt que de multiplier ces impôts qui mettent tout le monde en colère il devrait, me dit cet ami, essayer la "flat tax" : tout le monde paierait le même pourcentage… Ce serait, ajoute-t-il, plus simple et plus juste. Cet ami n'a rien d'un économiste, mais tout de même. Comment un intellectuel qui se dit encore proche du parti communiste peut-il jeter par dessus bord sans plus réfléchir la progressivité de l'impôt?

Je suis sorti de ce déjeuner par ailleurs fort agréable un peu déprimé. Je sais bien que l'économie ne fait pas partie du bagage culturel de beaucoup de nos intellectuels. Mais tout de même. Faut-il que nos repères se soient effondrés pour que des gens intelligents et plutôt éclairés sur le plan politique en arrivent à dire pareilles énormités…