vendredi, novembre 16, 2007

Philippe Beaussant à l'Académie Française

C'est la République des lettres qui me l'apprend : Philippe Beaussant vient d'être élu à l'Académie française. Il se trouve que je l'ai connu dans les années 70, au tout début de sa carrière, quand il essayait (sans grand succès) de faire publier son Lully et qu'il partageait, de manière plutôt éberluée, son temps entre France Musique et la Sodeteg, une filiale de Thomson qui nous employait tous deux.

Nous savions tous que son avenir n'était pas dans l'ingénierie même s'il ne se débrouillait pas si mal que cela dans l'organisation de la petite équipe de jeunes ingénieurs post 68 et de vieux militaires en semi retraite qu'on lui avait confiée. Il avait une manière particulièrement insolite de susciter notre sympathie : il avait en permanence des problèmes avec les autorités qui nous le rendaient infiniment sympathique. Je me souviens, notamment, d'un incident plaisant : une des photocopieuses (c'était le début de ces machines, elles étaient alors rares) était tombée en panne, avait même un peu pris feu. Personne, naturellement, ne savait ce qui s'était passé. Jusqu'à ce que le technicien découvre, dans la machine des copies d'une page de partition (sans doute de la musique baroque) à demi-calcinée. Le coupable était désigné, lui seul dans l'entreprise pouvant avoir l'idée saugrenue de faire des photocopies de partitions, mais plutôt que de le réprimander, tout le monde a souri et fermé les yeux devant cette incongruité.

Je me souviens également de la manière dont il nous jugeait. Lorsque j'avait été recruté, notre patron, Jean Girerd, un physicien qui enseignait au CNAM, lui avait demandé de lire ma thèse, ce qu'il avait probablement fait à très grande vitesse, j'ai rapidement compris qu'il trouvait que je m'étais un peu trop laissé aller à la mode d'alors (structuralisme, Tel Quel), ce qui était, bien sûr, très juste.

Un peu plus tard, parlant du texte d'un de nos collègues, autre physicien, spécialiste, si je me souviens bien, de particules un peu bizarres, il lui avait dit que sa culture classique se devinait à ce qu'il construisait ses phrases comme le faisaient les auteurs latins. Compliment? critique implicite? je n'ai jamais su. Pour ma part, je l'aurais plutôt pris pour un compliment même si la phrase latine m'a toujours paru un peu lourdaude.

J'ajouterai, pour terminer, que Philippe est probablement le premier académicien qui ait jamais participé à la construction d'un PERT. Cela se fête.

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