samedi, décembre 13, 2008

Trois jours à Montréal

Je rentre de trois jours passés à Montréal. Est-ce la proximité linguistique, la familiarité que nous entretenons avec les Québécois? Comme chaque fois j'éprouve un même sentiment d'étrangeté. Il y a le climat, bien sûr, cette tempête de neige qui m'a accueilli lors de mon arrivée et qui ne m'a pas quitté dans une ville dont "les places de stationnement sont squattées par des banquises" (formule entendue à la radio).


Est-ce ce que l'on devine de la gestion de ce pays - et puisque neige il y avait - de la gestion si farfelue du déneigement dans une ville qui en est couverte chaque année : le déneigement est confié aux arrondissements, ce qui fait qu'il suffit de traverser une rue pour passer d'un tronçon de chaussée à peu près correctement nettoyé à un tronçon complètement négligé. Gestion aggravée cette années, si j'ai bien compris, d'une grève de l'un des fournisseurs de sel de la ville (d'où l'utilisation de mélanges sable/sel) et d'un micmac contractuel (passage mal réglé du paiement par jour au paiement au forfait qui a suscité la colère des déneigeurs). Comme le disait un éditorialiste, "il manque un cerveau de la neige à Montréal" (il est vrai que le maire aurait déclaré : "on n'avait pas prévu qu'il y ait tant de neige"). Amateurisme qui surprend d'autant plus que les gens que j'ai croisés à l'Université étaient tous parfaitement sérieux et efficaces.

C'est, je crois, surtout l'extraordinaire ouverture aux autres qui étonne. Ouverture aux immigrés que l'on rencontre partout (j'ai rencontré pendant ces trois jours, des Français, des Japonais, une Colombienne une Costa-Ricaine, un Marocain, un Algérien qui voulait rentrer en France, un Nigérien), qui montre combien nous sommes en ces matières étroits d'esprit, frileux. Ouverture aux autres qui permet, également, de raconter sa vie à des étrangers (comme ce professeur qui racontait devant des collègues femmes et le parfait inconnu que j'étais comment il cherchait des femmes sur internet et dans des clubs de rencontre).

Ouverture qui n'exclut pas une certaine fragilité. Lorsque j'étais à l'université, en train de bavarder avec un professeur, on est venu nous annoncer la présence d'un homme qu'on aurait vu armé d'un fusil. Il ne s'agissait en fait que de pétards qu'un plaisantin avait fait exploser dans une cage d'ascenseur et d'un sac contenant deux couteaux et quelques douilles de 22. Reste que deux étudiantes se sont évanouies et tout le centre-ville a été bloqué pendant plusieurs heures.


Il y a, bien sûr, ces situations que nous n'imaginons pas ici, comme cette église qui a fait faillite et dont les locaux ont été rachetés par l'université et ces bizarreries : le même professeur qui me racontait cette faillite (inimaginable chez nous au royaume de la laïcité!) ne s'inquiétait pas de voir le gouvernement financer une école qui enseigne le créationnisme à coté de la théorie de l'évolution. "Ce n'est, me dit-il, que marginal". Vraiment?

Il y a, enfin, le français parlé. D'une verdeur qui chaque fois m'enchante (un chroniqueur disant à la radio d'un politique qu'il devrait "arrêter ses conneries") et surtout d'une immense fantaisie. Je pense à ce "geste de favoritisme un peu véreux" entendu dans une conversation et, surtout, à cette phrase venant conclure le récit d'une bagarre entre un malheureux touriste et un champion de baseball. Agacé par le touriste qui tentait de le photographier, le sportif a lancé sa caméra dans un arbre où elle s'est retrouvée avec "une lentille au beurre noir".

Un dernier mot : la table-ronde sur la responsabilité sociale des entreprises qui m'avait amené à Montréal m'a laissé quelques heures pour aller visiter le musée d'art contemporain. J'y ai vu une oeuvre absolument splendide de Gary Hill, un vidéaste américain : deux écrans sur lesquels on voit Isabelle Huppert qui nous prend littéralement dans son regard. J'ai tenté de la photographier. Le cliché n'est pas bon, mais il donne une idée :

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