jeudi, septembre 30, 2010

Immigration : une loi de plus

"Le Parlement discute actuellement d’une nouvelle loi sur l’immigration. Ce sera la cinquième en sept ans! En 2003, 2006 (deux lois sont votées cette année là), 2007 et maintenant, 2010? Ce qui devrait, avant même d’entrer dans le détail du texte, amener à s’interroger : pourquoi un nouveau texte? Est-ce que les lois précédentes, toutes votées par l’actuelle majorité, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur, n’ont servi à rien? Et si tel est bien le cas, comme le suggère cette avalanche de textes, pourquoi celle-ci serait-elle plus efficace?

Au mieux, cette multiplication de textes montre que cette équipe travaille mal, maîtrise mal ses dossiers. Au pire, et le pire est en la matière probablement sûr, elle montre qu’il s’agit moins d’agir sur l’immigration que sur l’opinion. En un mot comme en mille, ces lois successives, toutes plus inutiles les unes que les autres, n’ont d’autre objet que de séduire les électeurs du Front National.

La meilleure preuve de cet usage démagogique est le sort que le Conseil Constitutionnel leur réserve. Les propositions de loi correctement écrites ne font pas l’objet de recours devant le Conseil Constitutionnel et lorsque cela se produit, celui-ci les entérine. Ce n’est pas le cas de ces textes :

- en 2003, le Conseil Constitutionnel a annulé trois dispositions votées par le Parlement : celle imposant un débat annuel sur l’immigration au Parlement, celle obligeant la personne hébergeant un étranger à payer ses frais de rapatriement si celui-ci ne peut pas le faire, celle obligeant le maire à "informer immédiatement" le préfet si une personne désirant se marier ne peut pas justifier de la régularité de son séjour.

- en 2007, ce sont les tests ADN et les statistiques ethniques que le Conseil censure. La même année, le Conseil d’Etat annule la création d’Eloi, fichier informatisé des étrangers en situation irrégulière.

Conçue pour séduire les électeurs du Font National ces lois qui remettent en permanence la queston de l’immigraiton dans l’actualité ne font qu’aggraver des relations qu’il faudrait au contraire apaiser. Elles entretiennent le problème qu’elles prétendent résoudre.

Plutôt que de multiplier des textes que le Conseil Constitutionnel va censurer, on ferait mieux de se demander pourquoi ces lois ne réduisent en rien les mouvements migratoires. Il est vrai que se poser ce type de questions reviendrait à admettre :

- que les migrations ont toujours existé, qu’elles ne se résument pas aux déplacements du sud vers le nord et qu’elles n’ont pas toute la même cause : on peut émigrer pour des raisons économiques, pour échapper à un régime totalitaire, pour rejoindre sa famille, pour profiter d’un meilleur climat…

- que nous avons besoin de l’immigration pour des motifs démographiques et économiques, que ces besoins sont multiples et difficilement planifiables (essayez donc de savoir combien il faudra de nounous ou de maçons dans les deux ans qui viennent?).

A l’inverse de ce que suggère la formule “immigration choisie” nos besoins ne se résument pas à la recherche de diplômés que notre enseignement supérieur ne formerait pas en nombre suffisant. Nous avons aussi besoin de gens que l’on dit peu qualifiés dans le bâtiment, dans le nettoyage, dans les “soins à la personne”. Faut-il une nouvelle fois le rappeler? Les immigrés qui occupent ces emplois ne font pas concurrence aux Français. J’ajouterai même, au risque de me faire critiquer, que mieux vaut, dans bien des emplois des immigrés qui acceptent ces emplois parce qu’ils ont des handicaps liés à leur statut, à une mauvaise connaissance de la langue… que des Français de souche qui ne les occupent que parce incapables, malgré les investissements considérables consentis par la collectivité dans leur formation, de faire autre chose.

Cette obsession du contrôle à l’entrée des frontières nous interdit, par ailleurs, de voir que les immigrés ont changé. Ils sont plus mobiles qu’ils n’ont jamais été, ils entretiennent des liens beaucoup plus étroit que par le passé avec leur pays d’origine, leur famille (qu’ils ne quittent plus complètement dés lors qu’ils peuvent communiquer avec elle via Skype) et envisagent beaucoup plus facilement qu’hier de retourner au pays. Ce qui ne va pas d’ailleurs sans poser de questions nouvelles, notamment en matière d’éducation. Des Français installés en Angleterre qui envisagent de revenir en France chercheront plus sérieusement une école qui enseigne le français à leurs enfants que le même couple qui a choisi de s’installer définitivement.

Les migrations sont une chose sérieuse qui méritent bien mieux que ces lois de circonstance conçues pour séduire la droite extrême.

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